Les communautés numériques (2/5) [Vidéo] Infoclimat, les messagers du vent

Les bénévoles du site participatif Infoclimat alimentent l’un des réseaux météorologiques les plus consultés de France. Une soixantaine d’Alsaciens y contribuent dont le Kogenheimois Matthieu Ohrel, très impliqué dans l’association.

Par Mathieu PFEFFER - 27 juil. 2021 à 19:30 | mis à jour le 27 juil. 2021 à 19:37 - Temps de lecture : 5 min
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La pluie et le beau temps. Qu’on n’ait rien à se dire ou pas, on finit toujours par en parler. Inéluctablement.

Avec Matthieu Ohrel, la question ne se pose pas : on y vient dès le début. La météorologie est la grande passion de ce trentenaire bas-rhinois qui, au sortir de l’adolescence, noircissait des cahiers de notes sur les phénomènes climatiques observés.

Dans cette discipline comme dans tant d’autres, l’essor du numérique a bouleversé les habitudes. Profondément et durablement. De nombreux sites dédiés à la météorologie ont vu le jour ces vingt dernières années, souvent avec des visées commerciales.

« Je me suis inscrit sur Infoclimat en 2009 car j’adhère au principe de bénévolat et de partage gratuit des données »

« Je me suis inscrit sur Infoclimat en 2009 car j’adhère au principe de bénévolat et de partage gratuit des données », expose celui qui est soudeur de métier.

D’abord « simple » intervenant sur les forums, Matthieu Ohrel a installé une première station météo dans son village, puis deux, etc. « J’en ai sept désormais : quatre dans le Bas-Rhin, deux dans le Haut-Rhin et une en Moselle, dans le pays de Bitche. »

Les relevés de Matthieu Ohrel et de ses collègues du réseau ajoutées aux données en utilisation libre de Météo-France alimentent le site (et l’application pour téléphone mobile) en temps réel. Températures, précipitations, flux de vents, animation satellite : tout y est…

« Avec notre maillage de plus en plus serré, nous arrivons à donner des cartes relativement précises qui font apparaître des spécificités locales et des différences très notables parfois sur sites très proches les uns des autres. » Exemple, ce jeudi 22 juillet : « Ce matin, à Obersteinbach (Vosges du Nord), la température minimale a été mesurée à 8,3 °C. Au même moment, à 15 km de là à vol d’oiseau, à Drachenbronn, on était à 17,8 °C. À altitude quasi similaire. C’est un phénomène d’inversion thermique classique qui se produit avec un ciel dégagé et en l’absence de vent. C’est accentué par le fait qu’Obersteinbach est situé dans une cuvette avec peu de brassage. L’air froid reste plaqué au sol ».

Prévisions localisées

Cette précision dans la description des phénomènes locaux et leur explication est de plus en plus prisée des amateurs de météorologie et du grand public. En témoignent les 4,5 millions de visiteurs uniques d’Infoclimat en 2020. Nombre d’entre eux sont friands de prévisions, bien sûr. « Moi je n’en fais pas, mais nous avons au sein de l’association de très bons prévisionnistes amateurs qui tiennent compte des phénomènes locaux. Ce sera toujours mieux qu’une bonne partie des applications mobiles où les prévisions sont modélisées par des algorithmes. Ce n’est pas forcément mauvais, mais ça donne une vue très générale de la situation ». Il ajoute : « Faire de la prévision météo de manière fine demande du temps et de la disponibilité. Avec notre réseau de bénévoles nous ne sommes pas en mesure d’être présents en continu. »

Matthieu Ohrel préfère s’investir au sein d’une association dont les effectifs augmentent continuellement depuis ses débuts (lire par ailleurs). Après différents postes de modération, le voici responsable technique du site, au cœur du réacteur. « En plus de l’aspect passion, c’est une belle aventure humaine. On échange en ligne avec d’autres mordus, mais aussi dans la vie réelle. Lors de la récente assemblée générale qui s’est tenue dans le Jura, j’ai covoituré avec un collègue breton. On ne se connaissait pas mais, c’était tout vu : on n’a pas arrêté de discuter pendant tout le trajet. » De la pluie et du beau temps ?

S'INFORMER www.infoclimat.fr

Les stations météorologiques normalisées enregistrent la température, l’hygrométrie, le cumul de précipitations, ainsi que la vitesse et l’orientation du vent.    Photo DNA /Cédric JOUBERT

Des stations précises car normalisées

Le réseau de stations météorologiques d’Infoclimat (StatIC) répond à des normes strictes en termes de matériel et d’installation.

« Pour obtenir des mesures fiables, il y a deux paramètres principaux, explique Matthieu Ohrel. Il faut un matériel avec un bon niveau de fiabilité et de précision. Ensuite, il faut respecter les règles d’installation. »

Entre 1 000 et 1 500 € la station

Le premier critère est facile à remplir : « Il suffit d’acheter les bons éléments. Nous donnons la liste des modèles acceptés sur le site. Il faut compter entre 1 000 et 1 500 € le tout ». Le second est déjà moins évident : « Les normes sont strictes, elles sont définies par l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM). Ce sont celles que Météo-France utilise pour son réseau de stations ».

Le réseau StatIC tolère toutefois certaines adaptations en raison du caractère particulier des terrains des propriétaires de ces stations.

La sonde de température et d’hygrométrie (qui est nécessairement abritée) doit être située à une hauteur standard de 1,50 m, parfois 2 m. Elle devrait également être distante de 100 mètres de toute source de chaleur artificielle ou de surfaces bétonnées. « Pour un particulier, une telle distance est souvent inapplicable. Un dégagement de 20 mètres est acceptable, si le site est ventilé de façon naturelle.» Pour la mesure du vent, (« De loin la plus contraignante »), les règles préconisent de placer l’anémomètre à 10 m au-dessus du sol et sur un terrain dégagé. Si cela est impossible, le placer sur une cheminée. « Sinon, il y a aussi la possibilité d’utiliser la norme dite ‘’agro’’ qui consiste à placer l’anémomètre à 2-3 mètres du sol. »

Mais dans ces conditions, la station n’apparaîtra pas sur les cartes temps réel « vent » d’Infoclimat, mais les données seront présentes dans les tableaux.

« Cela fait beaucoup de règles à respecter, mais elles sont incontournables si on veut proposer des relevés précis et fiables. Idem pour les prévisions qui sont naturellement liées aux relevés. »

M.PF.

La station de Kogenheim.

Phénomènes marquants

La station de Kogenheim est la première des sept stations mises en place par Matthieu Ohrel. Active depuis 2015, elle a enregistré les phénomènes marquants suivants : une température maximale de 39,1 °C le 25 juillet 2019 ; une rafale de vent mesurée à 96 km/h en février 2020 ; des précipitations record de 120 mm lors de l’après-midi du 25 juin 2016. « Pour ce dernier phénomène, on avait eu droit à un orage stationnaire pendant plusieurs heures. Le village avait été inondé. J’avais un bon mètre d’eau dans la cave. »

Repères

Historique

2001 : création du site infoclimat.fr

2003 : l’association voit le jour

2010 : Infoclimat signe un partenariat avec Météo-France prévoyant l’échange de données

Depuis, Infoclimat siège au Conseil supérieur de la météo (CSM), instance de concertation entre Météo-France et les utilisateurs publics et privés.

Missions

➤ Promouvoir la météorologie à travers relevés et prévisions

➤ Augmenter le maillage des relevés météo

➤ Pédagogie avec l’opération Météo à l’école

En chiffres

1 750 adhérents (dont 61 en Alsace en 2021) ; en constante augmentation

700 stations disséminées sur le territoire (18 dans les Bas-Rhin, 16 dans le Haut-Rhin)

22 stations financées ou cofinancées par Infoclimat (dont 2 en Alsace, au Grand Ballon et au Champ du Feu)

4 544 000 visiteurs uniques sur le site en 2020

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